On estime que 200 000 français souffrent de polyarthrite rhumatoïde, une maladie inflammatoire chronique des articulations. Et si les personnes souffrant de cette affection présentaient un surrisque de cancer ? C’est ce que suggèrent des chercheurs français à travers une étude récemment publiée dans le Lancet Regional Healh Europe.
Qu’est-ce que la polyarthrite rhumatoïde ?
La polyarthrite rhumatoïde désigne une maladie inflammatoire chronique des articulations. D’origine auto-immune, cette maladie se caractérise par la fabrication par le patient lui-même d’auto-anticorps qui endommagent la membrane synoviale de ses propres articulations. S’ensuivent une inflammation, la destruction progressive du cartilage ainsi que la déformation des articulations des mains et des pieds principalement.
À savoir ! La membrane synoviale recouvre les articulations et fabrique un liquide appelé « synovie » chargé de lubrifier les articulations.
En France, on estime que la polyarthrite rhumatoïde touche près de 200 000 personnes, principalement des femmes. Des études menées par le passé ont émis l’hypothèse d’un surrisque de cancer de 10 à 30% chez les patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde. Mais il se peut que ces chiffres soient imprécis au regard des progrès thérapeutiques notables observés ces dernières années.
Forts de ce constat, des chercheurs français ont entrepris de comparer le risque de cancer de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde à celui de la population générale en fonction de leur exposition à des traitements.
Polyarthrite rhumatoïde et surrisque de cancer
Pour mener à bien leurs travaux, les chercheurs ont exploité des données issues du Système national de données de santé et relatives à 257 074 patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde âgés de plus de 20 ans. Ces patients ont été pris en charge entre 2010 et 2020 puis suivis pendant 8,7 ans en moyenne. Les chercheurs ont ensuite déterminé pour ces patients les taux d’incidence standardisés de différents cancers afin de les comparer à ceux retrouvés au sein de la population générale.
Après analyse des résultats, il en ressort que les patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde présentaient un risque accru de cancer (tous cancers confondus) de 20% par rapport à la population générale. Précisons que les hommes souffrant de polyarthrite rhumatoïde avaient un risque accru de cancer de 34 % contre 8 % pour les femmes souffrant de polyarthrite rhumatoïde.
Plus en détail, ce surrisque de cancer semblait particulièrement élevé pour certains cancers du sang ainsi que d’autres cancers localisés (cancers du poumon, de la vessie, des oreilles, du nez et de la gorge, du col de l’utérus, de la peau). Vu que certains de ces cancers sont reconnus comme étant liés au tabagisme, les scientifiques supposent que le tabac jouerait un rôle chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, d’autant plus qu’un lien entre le tabagisme et le risque de développer la polyarthrite rhumatoïde est documenté.
S’agissant des traitements médicamenteux auxquels étaient exposés les patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde, certains étaient associés à un risque accru de cancers. C’est le cas du rituximab et de l’abatacept. Bien que les chercheurs rappellent que cette étude reste une étude observationnelle et qu’ils ne sauraient en déduire un lien de causalité entre l’exposition à un traitement et le risque de cancer, la prudence des praticiens doit être de mise face à des patients traités au moyen de ces molécules.
Quelques résultats encourageants
A contrario, les patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde présentaient un moindre risque de cancers du sein et de l’endomètre (en lien peut-être avec d’éventuels facteurs hormonaux protecteurs) ainsi qu’un moindre risque de développer un cancer du pancréas.
Si plusieurs cancers du sang étaient plus fréquents chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, les chercheurs ont néanmoins pu dresser un constat encourageant : la diminution du risque de certains lymphomes non hodgkiniens entre 2016 et 2020 par rapport à la période 2010-2015. Selon eux, ce bénéfice s’expliquerait par les récents progrès thérapeutiques permettant de mieux contrôler les phénomènes inflammatoires.
Déborah L., Dr en Pharmacie
– Les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde 20 % plus à risque de cancer que la population générale. Le quotidien du médecin. www.lequotidiendumedecin.fr. Consulté le 6 novembre 2023.